Depuis le début de la guerre en Ukraine, une pluie de sanctions économiques et de boycotts s’est abattue sur la Russie. Il serait donc aisé de croire que PartyPoker n’est qu’un acteur international de plus qui se retire du marché russe par solidarité avec l’Ukraine. Eh bien, non, il s’agit bel et bien d’un hasard du calendrier, et l’origine de ce retrait des marchés russe et moldave est plus ancienne, et pourrait être suivi d’autres à l’avenir. Le point dans cet article.
Des décisions qui remontent à 2021
Si la nouvelle du retrait de PartyPoker des marchés russe et moldave vient tout juste de tomber (février 2022), elle ne constitue pas une surprise en soi.
Le casino en ligne a en réalité déjà commencé un retrait progressif de certains marchés il y a plus d’un an. En effet, dès le mois de mai 2021, Entain, la compagnie gestionnaire de PartyPoker, a déjà mis fin à ses activités en Lituanie, Lettonie et Estonie. La raison invoquée pour expliquer ce retrait aussi massif que soudain est le manque de réglementation claire et transparente sur les jeux d’argent dans les pays concernés.
Un problème d’image pour Entain
La décision de retrait des marchés russe et moldave peut sembler surprenante à plus d’un titre. Alors, première question, pourquoi un tel timing, mais aussi et surtout pourquoi se passer d’un marché aussi lucratif que celui de la Russie ? Eh bien, tout d’abord, concernant le timing de cette annonce, il faut chercher du côté de l’actualité immédiate de la société Entain. Si ce nom n’évoque pas forcément quelque chose à tout le monde, il s'agit en réalité d’un acteur à la longue histoire sur le marché des jeux en ligne, mais pas sous ce nom.
En effet, la compagnie se trouvant dérrière Entain aujourd’hui n’est autre que le géant GVC Holdings. Cette compagnie fondée en 2004 et basée sur l'île de Man est notamment propriétaire de Bwin depuis septembre 2015 après un rachat estimé à près de 1,7 milliard de dollars. En décembre 2017, GVC Holdings fait également l'acquisition de la société de paris britannique Ladbrokes Coral pour 5,2 milliards de dollars. Une série d'acquisitions qui se poursuivent en janvier 2021 avec le rachat de la société de pari en ligne suédoise Enlabs pour 343 millions de dollars puis de Tabcorp Holdings, référence sur les paris hippiques en Australie.
Autant dire qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle compagnie ou d’un nouveau venu dans le milieu. Quelle que soit la force de frappe financière de ce type d’entité, l’image publique et médiatique est essentielle, pour ne pas dire vitale. C'est en ce sens que la holding Etain a tenu à prendre ses distances avec ce qu’elle considère comme les marchés gris ou non régulés comme la Russie, la Moldavie ou les pays baltes. L’objectif à terme est de ne plus opérer à l’horizon 2023 sur aucun de ces marchés. De nouveaux retraits dans d’autres pays sont donc à prévoir.
Le cas du marché des jeux en Russie
Comme cela a été évoqué précédemment, la compagnie Entain ne souhaite plus opérer et surtout être associée à ce que l’on appelle les marchés gris. Alors de quoi s'agit-il et quelle est la législation sur les jeux d’argent actuellement en vigueur en Russie ? Le 1er juillet 2009, une loi a quasiment mis fin à l’autorisation des jeux d’argent en Russie.
Une interdiction se traduisant concrètement sur le terrain par la fermeture immédiate de 3 500 établissements et salles de jeu dont 350 casinos. Deux raisons expliquent ce choix plutôt radical, les liens évidents qui existent entre les milieux du crime organisé russe et les répercussions sociales du jeu (endettement, addiction) dans un pays déjà fragile. Un choix d’ailleurs salué par l’Eglise orthodoxe russe. Néanmoins, cette interdiction relative s’est aussi accompagnée de la création de zones dédiées et exclusives où les jeux sont tolérés. Il s’agit de : Krasnodar, dans le sud du pays, de Kaliningrad, sur la mer Baltique, de la région de l'Altaï, dans le sud de la Sibérie, et de l’Extrême-Orient russe (Vladivostok).
Ces régions très mal desservies par les transports (dans le pays le plus vaste du monde) et dont les infrastructures hôtelières sont quasiment inexistantes ne sont ni devenues des Las Vegas ni des Macao. Le jeu a-t-il disparu pour autant ? Officiellement oui, mais dans les faits il est juste devenu strictement clandestin et donc ingérable. Une situation qui a mené les autorités russes à reconsidérer la situation des jeux d’argent dans le pays. Ainsi, depuis le mois de janvier 2021, deux parlementaires russes, Viktor Deryabkin et Igor Stankevich, ont mis un nouveau projet de loi sur la table. Celui-ci vise à de nouveau ouvrir la porte aux jeux d’argent légaux, mais de façon strictement encadrée, qu’il s’agisse de casino physique ou en ligne.
Un moyen de lutter contre les pratiques illégales certes, mais aussi, voire surtout, de créer de nouvelles recettes fiscales pour l’Etat russe. Hélas, il semble que pour l’instant, aux yeux de compagnies comme Entain le mal soit déjà fait et la nouvelle législation n’a pas pu empêcher leur départ. Néanmoins, rien n’exclut un retour si le contexte légal, mais aussi politique le permet à plus ou moins long terme.